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James Gawley authored and James Gawley committed Mar 3, 2021
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<p>Et propter vitam vivendi perdere causas.</p>
<p>Ce qui, à ce qu’on croit, n’a pas servi à l’avancement de leur fortune ; parce que le Roi n’a jamais aimé les gens de ce caractère, et qu’il a toujours voulu, que la crainte de Dieu marchât avant toute chose : ce qui est digne, non seulement d’un Roi très-chrétien, mais d’un simple particulier honnête homme. L’Oiseau est monté, comme le Gaillard, de quatre cent cinquante hommes, et de quarante-huit canons.</p>
<p>Le Florissant <pb n="6" /> est le troisième vaisseau en ordre. Il a été bâti à l’Orient du Port-Louis. Voici son troisième voyage aux Indes. C’est le plus beau de l’escadre. Monsieur du Quesne avait envie de le monter ; mais il en a été dégoûté, ayant appris qu’il est lourd, et pas bon voilier. Il est monté de trois cent cinquante hommes et de trente-huit canons. Il est commandé par Monsieur de Joyeux, capitaine de frégate, qui ne fait pas le voyage de bon cœur, c’est lui-même qui le dit, peut-être parce qu’il a un supérieur, et qu’il aurait voulu commander en chef ; peut-être aussi, parce qu’il aurait voulu avoir plus de témoins de sa bravoure. Le bruit secret est, qu’il est remarié depuis peu à une Normande, dont il connaît la vivacité ; qui, dit-on, n’a point eu de fleurs depuis le sacrement, et qui n’a pas laissé de lui faire un ouvrage naturel au bout de six mois, et qu’il craint que pendant le voyage elle ne se console de son absence avec un autre. Qu’il en soit ce qu’il plaira à Dame Fortune, ses manières sont assez sèches, et ne tiennent en rien de celles de Monsieur du Quesne, dont l’abord est tout gracieux, et qui fait ci- <pb n="7" /> vilité et amitié à tout le monde. Il passe cependant pour très bon officier, très bon matelot, et fort brave homme : qualités plus nécessaires ici que toute autre. Il a été aux Indes, et a été pris par les Hollandais au cap de Bonne-Espérance : il était sur la Maligne, qu’il commandait ; les ennemis le prirent en même temps que le Coche. J’en rapporterai l’histoire lorsque nous serons au Cap : elle sera mieux qu’ici.</p>
<p>L'Écueil, sur lequel je suis, est commandé par Monsieur Hurtain, lieutenant de vaisseau. C’est un vieux matelot, natif de La Tremblade près Brouage, lieu qu’on peut appeler la pépinière des matelots. Il a servi toute sa vie ; il a été pris prisonnier plusieurs fois, et a été quatre ans esclave à Alger. Le grand du Quesne, sous lequel il a servi très longtemps, et qui connaissait sa bravoure, l’avait poussé jusques à la qualité de lieutenant de frégate ; mais sa fortune en était restée là. C’est sa faute : il ne doit s’en prendre qu’à son entêtement pour l’hérésie de Calvin ; n’y ayant que quatre ans qu’il s’est converti, et plus d’un an après la suppression de l’Édit de Nantes. Il a pour lors été fait lieute- <pb n="8" /> nant de vaisseau et capitaine de frégate ; et c’est ce qu’il est aujourd’hui. Je le connais dès il y a longtemps, ayant été ensemble en Canada. C’est un très honnête homme, bien de mes amis, et avec lequel j’espère bien vivre. Il y a, sur notre même vaisseau, un nommé Monsieur de la Chassée, qui commande une compagnie franche, et qui a été dans toutes les guerres de Hollande : il a de l’esprit infiniment, beaucoup de service, et bonne mémoire. Il aime, aussi bien que Monsieur Hurtain, à boire le petit coup : et je ne le hais pas ; tout cela me fit demander dès l’année passée d’être mis sur l’Écueil. Je ne m’y suis point ennuyé, et j’espère bien ne m’y point ennuyer encore. On dit que nous sommes tous trois faits l’un pour l’autre, et trois têtes dans un bonnet. Tant mieux : nous en vivrons mieux ; et si la concorde est troublée, ce ne pourra être que par un nommé Monsieur de Bouchetière <ref target="#pb50">[lien avec p. 50]</ref>, qui se fait nommer le chevalier. Je ne sais de quel ordre, ne lui voyant ni croix de par Dieu, ni de par le Diable. Il n’y a que huit jours qu’il est revenu au Port-Louis, et qu’il a trouvé le secret de se faire universellement haïr. Il est tout <pb n="9" /> frais émoulu d’Espagne, où il a demeuré fort longtemps, et d’où il nous paraît avoir apporté toutes les mauvaises qualités du pays, sans en avoir contracté aucune bonne. Une taciturnité et une gravité inexprimable, une barbe en forme de garde de poignard, un orgueil et une morgue à faire peur aux vaches ou tout au plus aux petits enfants, un esprit de primatie qui ne lui permet pas de se communiquer à personne, et un amour-propre qui ne souffre aucun égal, et qui l’autorise à préférer son sentiment particulier à celui de tous les autres. Voilà son caractère, dont il a donné et donne encore journellement des marques ; et caractère qui ne convient nullement aux Français. Tant pis pour lui : il faudra, vousit ou non, qu’il se réforme, ou qu’il se brouille avec tout le monde ; car certainement je ne vois ici personne d’humeur à en souffrir quoi que ce soit ; il semble même qu’il se forme une espèce de conjuration pour le contrarier en tout, le service à part. Notre vaisseau est monté comme le Florissant de trente-huit canons et de trois cent cinquante hommes.</p>
<p>L'Écueil, sur lequel je suis, est commandé par Monsieur Hurtain, lieutenant de vaisseau. C’est un vieux matelot, natif de La Tremblade près Brouage, lieu qu’on peut appeler la pépinière des matelots. Il a servi toute sa vie ; il a été pris prisonnier plusieurs fois, et a été quatre ans esclave à Alger. Le grand du Quesne, sous lequel il a servi très longtemps, et qui connaissait sa bravoure, l’avait poussé jusques à la qualité de lieutenant de frégate ; mais sa fortune en était restée là. C’est sa faute : il ne doit s’en prendre qu’à son entêtement pour l’hérésie de Calvin ; n’y ayant que quatre ans qu’il s’est converti, et plus d’un an après la suppression de l’Édit de Nantes. Il a pour lors été fait lieute- <pb n="8" /> nant de vaisseau et capitaine de frégate ; et c’est ce qu’il est aujourd’hui. Je le connais dès il y a longtemps, ayant été ensemble en Canada. C’est un très honnête homme, bien de mes amis, et avec lequel j’espère bien vivre. Il y a, sur notre même vaisseau, un nommé Monsieur de la Chassée, qui commande une compagnie franche, et qui a été dans toutes les guerres de Hollande : il a de l’esprit infiniment, beaucoup de service, et bonne mémoire. Il aime, aussi bien que Monsieur Hurtain, à boire le petit coup : et je ne le hais pas ; tout cela me fit demander dès l’année passée d’être mis sur l’Écueil. Je ne m’y suis point ennuyé, et j’espère bien ne m’y point ennuyer encore. On dit que nous sommes tous trois faits l’un pour l’autre, et trois têtes dans un bonnet. Tant mieux : nous en vivrons mieux ; et si la concorde est troublée, ce ne pourra être que par un nommé Monsieur de Bouchetière (Voir la page <ref target="#pb50">50</ref>), qui se fait nommer le chevalier. Je ne sais de quel ordre, ne lui voyant ni croix de par Dieu, ni de par le Diable. Il n’y a que huit jours qu’il est revenu au Port-Louis, et qu’il a trouvé le secret de se faire universellement haïr. Il est tout <pb n="9" /> frais émoulu d’Espagne, où il a demeuré fort longtemps, et d’où il nous paraît avoir apporté toutes les mauvaises qualités du pays, sans en avoir contracté aucune bonne. Une taciturnité et une gravité inexprimable, une barbe en forme de garde de poignard, un orgueil et une morgue à faire peur aux vaches ou tout au plus aux petits enfants, un esprit de primatie qui ne lui permet pas de se communiquer à personne, et un amour-propre qui ne souffre aucun égal, et qui l’autorise à préférer son sentiment particulier à celui de tous les autres. Voilà son caractère, dont il a donné et donne encore journellement des marques ; et caractère qui ne convient nullement aux Français. Tant pis pour lui : il faudra, vousit ou non, qu’il se réforme, ou qu’il se brouille avec tout le monde ; car certainement je ne vois ici personne d’humeur à en souffrir quoi que ce soit ; il semble même qu’il se forme une espèce de conjuration pour le contrarier en tout, le service à part. Notre vaisseau est monté comme le Florissant de trente-huit canons et de trois cent cinquante hommes.</p>
<p>Le Dragon, petit vaisseau, n’a que cin- <pb n="10" /> quante hommes et vingt-quatre canons. C’est une frégate, qui appartient au Roi. Elle est commandée par M. de Quistillic, gentilhomme breton, capitaine de frégate. C’est un homme d’environ trente-trois à trente-quatre ans, parfaitement bien fait. Il passe pour bon officier et très brave. Je le crois d’autant plus, que ce que je lui ai vu faire au Port-Louis, en ma présence, dans une occasion que le hasard seul avait fait naître, m’indique un homme également sage et vigoureux. Monsr. du Quesne, sous lequel il a servi l’année passée, à la descente que Monsr. le comte d’Estrées fit en Irlande, l’estime beaucoup, et l’aime. Cela seul fait son éloge. Notre commandant n’est pas d’humeur à prodiguer son encens au faux mérite.</p>
<p>Le Lion, autre frégate, appartenant au Roi, montée, armée, et équipée comme le Dragon, est commandée par Monsr. de Chamoreau. Il m’est impossible de le caractériser, parce qu’il y a peu de temps qu’il est arrivé, et que je n’ai eu aucune relation avec lui. Tout ce que j’en sais, c’est qu’il est comme Monsr. de Quistillic capitaine de frégate, et qu’il paraît vif, ardent, et résolu : du reste, <pb n="11" /> très bien fait de sa personne. Il était enseigne sur l’Oiseau avec Monsr. de Vaudricourt, lorsque Mons. le chevalier de Chaumont alla ambassadeur à Siam, et que Monsieur l’abbé de Choisy l’accompagnait.</p>
<p>Outre le nombre d’hommes qui composent les équipages des six vaisseaux, nous avons encore sur l’escadre quantité de passagers, tels que sont les marchands et commis que la Compagnie envoie dans les Indes, d’autres qui y vont pour leur compte, des prêtres de la congrégation des Missions étrangères, dont nous avons deux sur notre bord, qui sont Messieurs Charmot et Guisain, ennemis mortels de Confucius et des cérémonies chinoises. Il y a des pères jésuites répandus sur les trois autres gros vaisseaux de l’escadre, entre autres le révérend père Tachard, qui a déjà fait bien du bruit dans le monde, et qui suivant toutes les apparences, en fera encore bien davantage dans la suite du temps, s’il continue ses ambassades pour les têtes couronnées. Il est sur le Gaillard avec M. du Quesne, notre amiral, et avec lui plusieurs Siamois, mandarins et autres, qui repassent dans leur patrie. Mais, à propos <pb n="12" /> d’eux, comment vont-ils faire lorsqu’ils seront retournés chez eux où il ne croît point de vin, eux qui l’avalaient de si bonne grâce à Paris, et avec qui j’en ai bu copieusement au Port-Louis ? Comment se passeront-ils de nos vins de Bourgogne et de Grave ? Je n’en sais rien. Mais, l’amour du prochain m’oblige à les plaindre, parce que je serais à plaindre en leur place : ils ne pourront plus dire,</p>
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